6. Victor-Emmanuel, Charles-Félix, Charles-Albert, Marie-Christine et Marie-Thérèse

Avant d'étudier les ouvrages fortifiés de la Barrière de l'Esseillon, rappelons-nous que chacun porte le nom d'un membre de la famille royale de Piémont-Sardaigne - donc de la Maison de Savoie - : Victor-Emmanuel, Charles-Félix, Charles-Albert, Marie-Christine et Marie-Thérèse.

Il est intéressant de connaître ces personnages aux vies souvent mouvementées. Leurs existences se déroulérent durant une période riche en bouleversements politiques : La Révolution, l'Empire, le Congrés de Vienne et la réalisation de l'unité italienne !

Victor-Emmanuel Ier - Il portait les prénoms de Gaston-Jean-Népomucéne et naquit le 24 juillet 1759. Il mourut au château de Moncalieri, en Piémont, en 1824. Il ne semble pas que ce prince ait été un aigle, ni intellectuellement, ni dans le domaine politique. Une encyclopédie d'avant la guerre de 1914 (la Grande Encyclopédie. Paris, H. Lamirault et Cie et Librairie Larousse, sans date, 31 tomes) le décrit ainsi : « Il fut, dés sa jeunesse, imbu des principes politiques et religieux les plus rétrogrades, contre lesquels son intelligence bornée et son caractére pusillanime ne surent jamais réagir ».

Victor-Emmanuel Ier s'opposa violemment aux forces de la Révolution Française. En 1798, il dut quitter le Piémont et fuir en Sardaigne. Protégé par les Anglais, il put régner dans cette île jusqu'en 1814 .

Napoléon vaincu, il retrouva ses Etats du continent, auxquels les grandes puissances ajoutérent le territoire de l'ancienne république de Gênes.

L'encyclopédie précédemment citée ajoute : « Sa restauration dans ses anciens Etats fut suivie d'une réaction radicale et aveugle contre toutes les institutions et toutes les lois qui, directement ou indirectement, provenaient de la Révolution. L'absolutisme royal et les priviléges les plus surannés de la noblesse et du clergé furent rétablis, et la politique autrichienne domina quelques années sans réserve dans le Piémont. Quand le parti national, las d'un tel régime, prit enfin les armes (janvier 8121) pour revendiquer les droits constitutionnels et l'indépendance du pays, Victor-Emmanuel, affolé et ne voulant faire aucune concession, abdiqua en faveur de son frére cadet Charles-Félix (13 mars 1821) ».

Charles-Félix - Il naquit le 6 avril 1765 et mourut le 27 avril 1831. Lui non plus ne fut pas un grand prince. Il commença son régne par : « une rigoureuse épuration du royaume et la punition de tous les coupables qui n'avaient pu fuir. Il gouverna d'après les principes de la monarchie la plus absolue. Il rétablit la corvée (travail non rétribué qui était dû par le paysan à son seigneur) , persécuté les Vaudois, et poussa l'obscurantisme jusqu'à ne permettre d'apprendre à lire et à écrire qu'aux enfants de ceux qui possédaient au moins quinze cents lires. Mais, quand il crut son ouvre consolidée, naturellement épicurien, il laissa les choses et souffrit même quelques améliorations ». (la Grande Encyclopédie. Paris, H. Lamirault et Cie et Librairie Larousse, sans date, 31 tomes)

Charles-Félix mourut sans postérité. Il laissa son trône à Charles-Albert, prince de Carignan, dont la famille appartenait à la branche cadette de la Maison de Savoie.

Charles-Albert - Né en 1798, mort en exil à Oporto (Portugal). Une longue biographie de ce roi serait une passionnante analyse psychologique sur le théme de l'indécision .

Dans une période tranquille, Charles-Albert eut dans doute été un souverain éclairé et généreux, auteur d'améliorations notables dans la condition de ses sujets. Malheureusement, dans un état en pleine transformation, au milieu de troubles graves, son caractére hésitant l'entraîna souvent à agir d'une manière discutable. Curieusement, ce prince qui régna au milieu de désastres, à la venue desquels il n'était pas toujours étranger, semble avoir été aimé et honoré par nombre de ses compatriotes .

Né en exil, il entra au Piémont après la chute de Napoléon. D'opinions libérales, il fut dés son retour considéré comme un espoir par ceux qui espéraient un changement. Lors de la révolte de 1821 - qui entraîna l'abdication de Victor-Emmanuel Ier -, il fit montre de son indécision. Il accepta d'abord d'être le chef de l'insurrection, puis refusa, tout en promettant d'adhérer au mouvement, mais sans y prendre part dans les faits ! D'autres tergiversations suivirent. Partagé entre son désir de plaire aux révolutionnaires, tout en ne mécontentant pas un roi réactionnaire, il dut finalement s'enfuir.

En 1823, il participa dans les rangs français à la prise du fort de Trocadéro (baie de Cadix). Il fit preuve d'une grande bravoure. Etrangement, cet homme que la vie ordinaire montrait dépourvu d'énergie se conduisit toujours, sur les champs de bataille, avec un étonnant courage.

Il se réconcilia avec Charles-Félix et rentra au Piémont. A sa mort il lui succéda. Sa venue au pouvoir fit naître de grandes espérances. Malheureusement, il n'osait ou ne savait comment entreprendre des réformes libérales. Au duc d'Aumale qui l'encourageait à transformer l'Etat, il pleurnichait : « Que puis-je faire ? Je suis entre le poignard des Carbonari (Carbonari (charbonniers, nommés ainsi parce qu'à l'origine ils se réunissaient dans les bois) : société secréte qui travaillait à l'application de réformes libérales et à l'unification politique de la péninsule italienne) et le chocolat des Jésuites. »

Il vivait comme un moine - ce qui ne l'empêchait pas de commettre quelques écarts -, allait chaque jour à la messe, jeûnait fréquemment, se donnait à la discipline. Son entourage se composait de nombreux ecclésiastiques et Jésuites. Dans son palais, la soutane était le costume en vogue !

Poussé par les circonstances et la volonté populaire, Charles-Albert établit les premières bases d'améliorations politiques. Il promulgua un statut de gouvernement représentatif. Pour les mêmes raisons, in entra en conflit avec les Autrichiens, extrêmement influents dans la péninsule.

En 1848, il franchit la frontière à la tête de ses armes afin de libérer les autres états italiens du joug étranger. Commencée par quelques succés, cette campagne s'acheva dans le désastre. En ce roi se mêlaient une bravoure insensée et une totale absence d'esprit stratégique.

Charles-Albert dut s'enfuit devant les troupes autrichiennes qui pénétrérent dans Milan. Le roi revint en toute hâte dans ses Etats et un armistice fut conclu.

Quelques mois plus tard, l'impréparation de ses armées étant à son apogée, Charles-Albert recommença les hostilités. Et de nouveau, il connut la défaite. Il abdiqua en faveur de son fils aîné, Victor-Emmanuel, duc de Savoie, qui régna sous le nom de Victor-Emmanuel II.

Il se rendit au Portugal où il mourut trés peu de temps après son arrivée, usé par le chagrin. L'un de ses historiens, Félix Henneguy indique (la Grande Encyclopédie. Paris, H. Lamirault et Cie et Librairie Larousse, sans date, 31 tomes) : « Son corps, ramené au Piémont, fut déposé dans la basilique royale de la Superga. Le Sénat piémontais décréta que le surnom de « Magnanime » serait ajouté au nom de Charles-Albert. Ses malheurs lui ont fait pardonner. Sa fin si digne et, pour une grande part, l'esprit de dévouement à la cause nationale dans lequel son fils a recueilli son héritage, ont si bien réhabilité sa mémoire, que l'Italie l'honore aujourd'hui comme un martyr de la patrie. Quoi qu'il en soit, Charles-Albert est certainement l'une des plus intéressantes figures offertes par l'histoire à l'étude psychologique. »



Victor-Emmanuel II - Né en 1820 à Turin, mort à Rome en 1878. C'est un des grands hommes de l'Italie. Avec son premier ministre Cavour, il fut le réalisateur de l'unité italienne (rappelons qu'à cette époque, la péninsule italienne était divisée en plusieurs petits états. La vie politique de ceux-ci était, sans cesse, troublée par les ingérences des grandes puissances européennes) . Roi de Piémont-Sardaigne après l'abdication Charles-Albert, il devint par la suite roi d'Italie. Il participa bravement aux désastreuses batailles engagées par son pére. après son accession au pouvoir, Victor-Emmanuel entreprit de laïciser l'état. En même temps, grâce à diverses innovations, la prospérité entra dans le pays.

Victor-Emmanuel et Cavour monnayérent l'aide qu'ils avaient apportée à la France et à l'Angleterre durant la guerre de Crimée. 15 000 Piémontais prirent, en effet, part au siège de Sébastopol. Cavour put poser devant l'Europe la question de l'unité italienne.

Préparée par de grands travaux de fortification et par un rapprochement avec la France, la guerre débuta en 1859. L'armée française y prit une part active.

Ces événements allaient être la première étape de l'unification italienne. Pendant des années, le roi y travailla avec habileté, faisant alterner la diplomatie, la force et même le chantage politique. En 1870, Victor-Emmanuel fit son entrée à Rome. Dés lors, il n'eut plus à veiller qu'à la consolidation de son ouvre et à l'aménagement intérieur du grand royaume qu'était devenu son pays.



Marie-Thérèse et Marie-Christine - Marie-Thérèse est le nom d'une redoute de la Barrière de l'Esseillon. Marie-Christine celui d'un fort.

Qui étaient ces deux femmes ?

Si les renseignements abondent sur Victor-Emmanuel, Charles-Félix et Charles-Albert, qui régnérent sur un royaume, il n'en va pas de même pour les deux princesses qui ne furent pas des personnages historiques de premier plan.

Il existait dans la famille royale plusieurs femmes portant ces prénoms. A quelle Marie-Christine et à quelle Marie-Thérèse se rapportent l'appellation de la redoute et celle du fort ?

Voici ces princesses :

•  Marie-Christine, fille de Ferdinand IV, roi des Deux-Siciles, née en 1779, morte en 1849, épouse de Charles-Félix, roi de Sardaigne. Elle ne donna pas d'enfant à son mari. A la mort de ce dernier, c'est à un membre de la branche cadette de la Maison de Savoie que l'on fit appel pour lui succéder : Charles-Albert, prince de Carignan, puis roi de Sardaigne.

•  Marie-Christine-Albertine de Saxe-Courlande, mére de Charles-Albert, précédemment cité. Devenue veuve, elle se remaria.

•  Marie-Thérèse de Bourbon, sour de Louis XVI. Elle avait épousé, le 6 septembre 1775, le futur Charles-Emmanuel IV, roi de Sardaigne. Celui-ci, après la mort de sa femme, « dégoûté du monde, affaibli par une maladie nerveuse, troublé par des hallucinations, plongé dans une dévotion profonde » (la Grande Encyclopédie. Paris, H. Lamirault et Cie et Librairie Larousse, sans date, 31 tomes) , abdiqua en faveur de son frére, le duc d'Aoste, qui devint Victor-Emmanuel Ier.

•  Marie-Thérèse d'Autriche. En 1789, elle se maria avec celui qui deviendrait Victor-Emmanuel Ier, roi de Sardaigne. Elle lui donna quatre filles qui épousérent : François IV, duc de Modène ; Charles II, duc de Parme ; Ferdinand Ier, empereur d'Autriche ; et François II, roi des Deux-Siciles.

•  Marie-Thérèse d'Autriche, fille du grand-duc de Toscane Ferdinand III. En 1817, elle épousa le futur Charles-Albert, roi de Sardaigne. Elle fut la mére de Victor-Emmanuel II.

•  Marie-Thérèse, fille de Victor-Emmanuel Ier. Elle eut pour époux Charles II, duc de Parme. Née le 19 septembre 1803, elle mourut le 16 juillet 1879. Son mariage eut lieu le 5 septembre 1820.



Sommaire

-. Présentation

1. Une architecture et un site romanesques

2. Sur la route du Mont-Cenis

3. Petite histoire des fortifications

4. Petite histoire de la Savoie

5. La construction des forts de l'Esseillon

6. Victor-Emmanuel, Charles-Félix, Charles-Albert, Marie-Christine et Marie-Thérèse

7. Le site et l'architecture

8. Qualités et défauts de la Barrière de l'Esseillon

9. Depuis 1860

10. Aujourd'hui et demain