4. Petite histoire de la Savoie

Barrière naturelle entre la France et l'Italie, les Alpes constituaient un sérieux obstacle. Pour les franchir, le seul passage praticable et sûr fut, pendant des siécles, la route du Mont-Cenis. Celle-ci frôle, rappelons-le, les forts de l'Esseillon.

Hannibal et ses éléphants seraient passés par le Mont-Cenis. Le fait est douteux. (Il semble qu'il soit passé par le col de Montgenévre. Mais d'autres historiens avancent les noms des cols du Saint-Gothard, du Simplon, du Grand-Saint-Bernard, du Petit-Saint-Bernard, de la Traversette, de Larche, de l'Autaret, de Mary et de la Roure ,etc. Le choix est vaste !) Par contre, Pompée, Pépin, Charlemagne l'ont bien traversé avec leurs armées. Nicolas de Catinat, dit « le Pére la Pensée », maréchal de France à l'époque de Louis XIV, l'a franchi avec son artillerie, non sans avoir élargi le chemin. Plus tard, Napoléon fit établir une belle voie pour rejoindre le col. Elle a beaucoup perdu de son importance, depuis le percement du tunnel que l'on inaugura en 1871.

Véritable porte des Alpes, la route du Mont-Cenis acquit une sorte du monopole pour le commerce entre la France et la péninsule. Ce fut la Maison de Savoie, maîtresse des hauts passages alpins, qui était l'axe de l'état. Ses dirigeants surent exploiter une telle situation pour élargir peu à peu leurs possessions

Il s'assurérent des ressources financières importantes par la perception de droits de passage. D'autre part, ils s'imposérent en tant que force politique auprès de l'Europe, grâce à leur habileté et jeu des alliances.

Au XIe siécle, la Maison de Savoie s'allia par un mariage au marquisat de Turin. Le Piémont fut ainsi rattaché à la Savoie, ce qui permit la constitution d'un puissant Etat s'étendant de chaque côté des Alpes.

Amédée VIII reçut, en 1416, le premier, le titre de duc de Savoie (la province, jusqu'alors, n'était qu'un comté). Il annexa définitivement le Piémont et acquit Genéve. Amédée VIII aimait à s'entourer de nombreux artistes, mais aussi d'une cour brillante. On lui doit l'édification d'une chapelle à Chambéry et la reconstruction du château d'Annecy. En 1430, il fit rédiger un code : « Les Statuts de Savoie ». La mort de son épouse, la perte de plusieurs ses fils, la découverte d'un complot contre lui entraînérent ce souverain à abdiquer. Il se retira au château de Ripaille pour y vivre dans la piété. Amédée ne put toutefois savourer le calme de cette retraite : on vint le chercher pour le nommer pape, sous le nom de Félix V.

Selon certains, cette époque fut celle de la véritable apogée de l'Etat savoyard de ce côté-ci des Alpes.

Malheureusement, carrefour stratégique entre l'Allemagne, la France et l'Italie, la Savoie fut une région convoitée.

Les visées françaises sur la péninsule à la fin du quinzième siécle et durant la première partie du seizième (époque dite des Guerres d'Italie) rendirent périlleuse la situation de « Porte des Alpes ». Puissants, les rois de France n'acceptérent pas que l'on interdise ou monnaye le passage de leurs armées.

Sous le régne de François Ier, la Savoie connut une occupation française de 23 ans, de 1536 à 1559. Elle en ressortit presque complétement franchisée.

Cette occupation n'allait pas être unique. D'autres suivirent, jusqu'à ce qu'en 1792 la Convention décréte la formation d'un 84 éme département, dit du « Mont Blanc ».

Face à la puissance française ainsi affirmée, les ducs de Piémont-Savoie préférérent tourner leurs ambitions vers la péninsule italienne. Dans l'état, la Savoie perdit progressivement de son importance au profit du Piémont. Turin remplaça Chambéry comme capitale du duché, et plus tard du royaume.

Les invasions françaises avaient convaincu les dirigeants piémontais de la vulnérabilité de la Savoie. Ils transformérent le rôle de cette région en lui donnant une fonction de zone-glacis. Seules les positions stratégiques, telles que les cols, bénéficièrent d'une amélioration du système de défense.

A la suite des actions foudroyantes menées en 1796 en Italie, par Bonaparte, la péninsule resta sous domination française jusqu'en 1814.

Après la chute de Napoléon, la Russie, la Prusse, l'Autriche et l'Angleterre, procédérent à une réorganisation de l'Europe au Congrés de Vienne (1814-1815). La division de l'Italie y fut confirmée. L'Autriche devint maîtresse de la Lombardie, de la Vénétie et du littoral oriental de l'Adriatique jusqu'à Raguse (aujourd'hui Dubrovnik en Yougoslavie). L'archiduc François d'Este obtenait les duchés de Mirandole, Modéne et Reggio. L'archiduchesse Marie-Béatrice d'Este, Massa et Carrare. Parme, Plaisance et Guastalla allaient à l'ex-impératrice Marie-Louise, tandis que la Toscane était rendue à son ancien possesseur l'archiduc Ferdinand. Le roi de Sardaigne, Victor-Emmanuel Ier, récupérait ses Etats.

A propos de cette île, il faut savoir qu'elle fut cédée au duc de Savoie, Victor-Amédée II, en échange de la Sicile (traité de Londres, 1718).

Victor-Emmanuel Ier allait régner sur la grande île, sur le Piémont, la Savoie, le Comté de Nice, mais aussi sur le territoire de l'ancienne République de Gênes qui lui avait été accordé en supplément.

Les possessions de Victor-Emmanuel Ier devaient constituer un royaume suffisamment puissant pour séparer la France des Etats italiens et des territoires sous contrôle autrichien.

Les congressistes de Vienne décidérent de renforcer la puissance défensive de l'état de Piémont-Sardaigne, en particulier en Savoie, région qui semblait singulièrement vulnérable. C'est ainsi que fut décidée, entre autres mesures, la construction des forts de l'Esseillon. Cette édification, on le voit, est liée à l'histoire de la région et à celle de l'Europe.



Sommaire

-. Présentation

1. Une architecture et un site romanesques

2. Sur la route du Mont-Cenis

3. Petite histoire des fortifications

4. Petite histoire de la Savoie

5. La construction des forts de l'Esseillon

6. Victor-Emmanuel, Charles-Félix, Charles-Albert, Marie-Christine et Marie-Thérèse

7. Le site et l'architecture

8. Qualités et défauts de la Barrière de l'Esseillon

9. Depuis 1860

10. Aujourd'hui et demain