5. La construction des forts de l'Esseillon

« Tout le long du chemin de ronde du bâtiment central, à la crête des murs et des redoutes, on apercevait des dizaines de factionnaires, le fusil à l'épaule, qui marchaient méthodiquement de long en large, chacun ne parcourant que quelques pas. Tel le mouvement d'un pendule, ils scandaient le cours du temps, sans rompre l'enchantement de cette solitude qui semblait infinie. »

Le Congrés de Vienne contraignit la France à verser une somme considérable qui devait être affectée à des constructions défensives. A l'époque, on parla de 20 millions de francs .

Une commission austro-sarde fut créée pour discuter et préparer les travaux à exécuter. Elle devait également répartir les sommes disponibles ?

Huit millions furent attribués à la défense de la route du Mont-Cenis, c'est-à-dire à « l'Esseillon », puisque c'est le site qui fut retenu. La décision prise, il fallut dessiner les plans des bâtiments, et surtout les édifier. Une telle tâche ne pouvait qu'être longue.

En 1817, quatre ingénieurs dressérent le plan du terrain à fortifier. L'année suivante, deux entrepreneurs effectuérent des travaux de voirie pour en faciliter l'accés. Ils construisirent une route (aujourd'hui abandonnée) et un pont sur l'arc, le pont du Diable.

Les quatre forts et la redoute Marie-Thérèse, conçus d'après les théories de Montalembert, furent bâtis par trois entrepreneurs piémontais avec lesquels le gouvernement sarde passa un marché. Ils obtinrent une sorte de privilége exclusif pour la réalisation des travaux futurs. L'ampleur du travail envisagé faisait de cette affaire une somptueuse entreprise commerciale. On peut imaginer les trafics d'influence et les dessous-de-table qui accompagnérent ce « ce marché du siécle » .

Dés lors les chantiers furent ouverts. On commença par préparer sur le roc l'emplacement des fondations. Mais ce n'est qu'en 1820 que la construction proprement dite débuta. On ne s'arrêta que treize ans plus tard, en 1833. Cet arrêt allait être définitif quoique d'importants travaux restassent à accomplir. Durant ces treize années, les ouvriers et les ingénieurs oeuvrérent de mani-re continue - c'est dire l'ampleur de la tâche réalisée .

En 1825, on acheva de construire et d'armer la redoute Marie-Thérèse. La partie basse de Victor-Emmanuel, également terminée, reçut deux détachements : l'un du génie et l'autre d'artillerie.

A son tour, en 1827, Charles-Félix entra en service.

C'est en 1828 que Victor-Emmanuel fut complétement achevé et armé. Martin Montu, le premier commandant du fort, s'y installa avec son régiment.

En 1830, avec l'achévement de Marie-Christine, la défense de la vallée de l'Arc était en place.

Pour se protéger du côté du village d'Aussois, on entreprit de bâtir Charles-Albert, à six cents mètres de Marie-Christine, sur un mamelon appelé le Molard-Chomont.

En 1833, une nouvelle route dite « route du Pont de la Scie », plus commode que celle du pont du Diable, fut tracée. Les forts devinrent mieux accessibles aux voitures. On pouvait penser que les travaux seraient poursuivis. Il n'en fut rien : à partir de l'automne de cette année-là, on arrêta toute construction. On n'entreprit que des travaux d'aménagement intérieur et extérieur.

Il y eut l'installation d'un pont tournant sur le ruisseau Sainte-Anne, en face de Marie-Thérèse, en 1850, et l'établissement d'un chemin pour piétons, en 1858, avec un pont suspendu sur l'Arc, beaucoup plus court que celui du pont du Diable. Ce chemin allait du fort principal à la redoute.

La venue de Victor-Emmanuel II à Modane, le 31 août 1857, pour l'ouverture des travaux du tunnel Modane-Bardonecchia, ne fut peut-être étrangére à cette amélioration des voies de communication.



Sommaire

-. Présentation

1. Une architecture et un site romanesques

2. Sur la route du Mont-Cenis

3. Petite histoire des fortifications

4. Petite histoire de la Savoie

5. La construction des forts de l'Esseillon

6. Victor-Emmanuel, Charles-Félix, Charles-Albert, Marie-Christine et Marie-Thérèse

7. Le site et l'architecture

8. Qualités et défauts de la Barrière de l'Esseillon

9. Depuis 1860

10. Aujourd'hui et demain